par Thibault Diringer – Corrigetonimpot
Les contribuables qui louent un bien immobilier ont le choix entre plusieurs régimes fiscaux. Nous avions vu à travers cette article l’imposition des loyers lorsqu’on loue en vide au régime réel. Le contribuable comptabilise les loyers desquels il défalque les charges supportées sur le bien (travaux, intérêts d’emprunt, taxe foncière….). Le résultat foncier imposable supporte alors la tranche d’imposition et les prélèvements sociaux. Mais que se passe t’il lorsque les charges sont plus importantes que les loyers? Y gagne t’on fiscalement? Quid du calcul avec l’impôt à la source en 2019?
La notion de déficit foncier
Pour comprendre pleinement cet article qui est complexe, nous vous invitons à vous familiariser en amont sur la fiscalité des revenus fonciers (lien ci-dessus) et l’impact de la tranche marginale d’imposition que nous avions évoqué dans le calcul de l’impôt sur le revenu. Nous considérons dans cette article une tranche fiscale à 30% pour les exemples; le raisonnement est le même avec une TMI à 0%, 14%, 41% ou 45%.
Un déficit foncier intervient quand un contribuable qui loue un bien vide opte pour le régime réel et a plus de charges déductibles que de loyers. Au moment de la déclaration des revenus fonciers 2044, il obtient alors un déficit foncier imposable au lieu d’un résultat foncier imposable. Prenons un exemple concret.
Exemple :
Mr loue un bien en 2018. Sur l’année, il perçoit 10 000 € de loyers. Il fait également beaucoup de travaux : 15 000 €. Ces travaux ne sont pas considérés comme de l’agrandissement ou de la reconstruction, il peut donc les déduire. Mr a également des charges diverses déductibles de 4 000 € (intérêts d’emprunt, assurance…).
Lors de sa déclaration 2019 des revenus 2018, Mr déclare 10 000 € de loyers et 19 000 € de charges déductibles. Son résultat foncier imposable est négatif, on parle alors de déficit foncier : – 9 000 €.
La fiscalité des déficits fonciers : ils ne sont pas forcément « reportables »
L’erreur commune est de penser que le déficit foncier de 9 000 € va être reporté pour les années suivantes. C’est faux, il faut en fait distinguer deux aspects :
1) le déficit foncier utilisé immédiatement (indiqué en violet durant l’article) : tout déficit foncier entre 0 € et – 10 700 € va être utilisé l’année en cours. Les premiers – 10 700 € se transforment en déduction immédiate pour le déclarant. Etant donné qu’ils ne peuvent pas être déduits des revenus fonciers (ils sont déjà à 0 €), le déficit foncier va être enlevé des autres revenus du contribuable, notamment les revenus salariés. On est dans un des rares cas ou un déficit foncier peut être impacté sur une autre type de revenus (salariés).
Exemple :
On reprend le cas précédent en supposant que Mr a 50 000 € de salaire imposable et toujours – 9000 € de déficit foncier. Les 9 000€ vont immédiatement venir en déduction des salaires de Mr. Son revenu imposable qui subira l’impôt sera de 41 000 € au lieu de 50 000 €.
Gain fiscal grâce au déficit utilisé immédiatement : 9 000 * la tranche fiscale soit par exemple 9 000 * 30% = 2 700 € d’impôt en moins.
2) le déficit reportable provisionné (en orange) : Lorsque le déficit est tellement important qu’il amène un résultat foncier inférieur à -10 700 €, on parle alors de déficit provisionné ou reportable. A l’image du point précédent, les premiers -10 700 € vont s’imputer des revenus salariés immédiatement. En revanche, le solde ne sera pas utilisé et sera provisionné pour les années suivantes. Il est reportable pendant 10 ans.
Exemple :
Mr a rénové une bien sur lequel il perçoit 10 000 € de revenus fonciers et obtient 35 700 € de charges déductibles. Il déclare donc un déficit foncier de -25 700 €. Il aura 10 700 € de déficit qui seront utilisés immédiatement en déduction de ses salaires imposables (gain fiscal de 10 700 * la tranche d’impôt soit ici 3210 € d’impôt en moins). Il reste 15 000 € de déficit reportable qui seront provisionnés pour être utilisé les années suivantes….
La question est de savoir comment ces 15 000 € seront utilisés et quel gain fiscal ils vont procurer. Un déficit reportable pourra être utilisé uniquement sur un revenu foncier POSITIF dans le futur. Une fois que le déficit est provisionné, il ne sera pas possible de l’utiliser l’année suivante jusqu’à -10 700 €. Cette fois il faudra attendre d’obtenir un revenu foncier imposable supérieur à 0 € pour le déclencher.
Suite de l’exemple:
Mr a provisionné 15 000 € de déficit reportable.
1) L’année suivante, Mr a 10 000 € de loyers et 10 000 € de charges déductibles. Son revenu foncier imposable est de 0 €.
Mr ne peut pas utiliser les 15 000 € stockés pour les imputer sur ses revenus salariés dans la limite de -10 700 € car un déficit reporté est utilisé uniquement sur un revenu foncier positif. Mr conserve sa provision pour le futur.
2) L’année suivante, Mr a 10 000 € de loyers et 4 000 € de charges. On obtient donc un revenu foncier imposable de 6 000 € qui va subir l’impôt (selon la tranche) ET les prélèvements sociaux (17.2%).
Mr va utiliser son déficit antérieur pour effacer le revenu foncier imposable. Il pioche dans les 15 000 € de déficit pour ne pas être imposé sur 6 000 €. Le revenu foncier imposé passe à 0 €.
Gain fiscal du déficit provisionné : 6000 * tranche d’impôt + 6 000 * 17.2%
La provision de Mr pour les années suivante passe de 15 000 € à 9 000 € étant donné qu’il en a utilisé une partie.
On peut en tirer LA conclusion importante :
Un déficit utilisé immédiatement (entre 0 et -10 700 €) permet un gain fiscal immédiat égal à : « montant du déficit * la tranche d’impôt ».
Un déficit provisionné permet un gain fiscal plus importante : « montant du déficit * tranche d’impôt + montant du déficit * prélèvements sociaux ». Cependant ce gain interviendra dans le futur.
Stratégie patrimoniale : Peut-on choisir de refuser d’utiliser un déficit immédiatement afin de le provisionner? Comment optimiser le montage?
Une fois qu’on a compris le mécanisme, les stratégies d’optimisation patrimoniale deviennent plus compréhensible. Un contribuable qui achète un bien 100 000 € pour y faire 70 000 € de travaux déductibles sait qu’il va avoir un gain fiscal de 70 000 € * sa tranche d’impôt + 70 000 € * les prélèvements sociaux. Pour une TMI à 30%, c’est quasiment la moitié des travaux (47.2% exactement) qui lui sont remboursés à travers une baisse de l’imposition. Ici l’économie fiscale est de 70 000 * 47.2% soit 33 040 € d’impôt en moins. Une manière efficace de financer un bien en réalisant une plus-value tout en optimisant la fiscalité.
Le calcul est quasiment exact sauf pour la déduction entre 0 et – 10 700 € qui permettra de gagner « seulement » 30% au lieu de 47.2%. En effet, l’imputation sur les revenus salariés au lieu d’une déduction sur le foncier ne permet pas à ces 10 700 € de procurer un gain sur les prélèvements sociaux. Le contribuable pourrait alors être tenté de refuser cette déduction immédiate sur les salaires afin de tout provisionner en déficit. Il est évident qu’au bout de quelques années le bien engendrera des revenus fonciers imposables et que le déficit reporté sera utilisé avant d’expirer au bout des 10 ans, procurant alors un gain fiscal maximum (impôt + prélèvements sociaux) en s’imputant sur un revenu foncier positif.
Malheureusement, il est impossible de faire ce choix. Le fisc impose la déduction immédiate des 10 700 premiers euros de déficit sur les salaires avant d’avoir le droit de provisionner. Une notion qui a son importance puisqu’il peut s’avérer souvent judicieux de faire le gros des travaux sur une année seulement. Les contribuables qui dispatchent les travaux sur deux années fiscales n’optimisent pas au mieux l’impôt puisqu’ils créent deux fois les premiers 10 700 € de déficit.
Exemple :
On reprend la situation et on suppose que Mr réalise les 70 000 € de travaux.
1) Si les travaux sont payés entre janvier et décembre sur une année fiscale : lors de la déclaration l’année suivante, seulement 10 700 € seront déduits des salaires. Les 59 300 € restants seront déduits du revenu foncier (que ce soit sur les loyers en année 1 ou sur les revenus fonciers positifs en tant que provision dans le futur). Gain fiscal : 59 300 * (30% + 17.2%) + 10 700 * 30% = 31 199 € d’impôt en moins.
2) Si les travaux sont fait sur deux années fiscales : on suppose 35 000 € en décembre 2018 et 35 000 € payés en janvier 2019 pour l’exemple.
– Déclaration des revenus 2018 : sur les 35 000 € à déduire, les premiers 10 700 € de déficit sont enlevé des salaires (gain à la TMI uniquement). Le solde sera déduit du foncier (une partie sur les loyers immédiatement, l’autre partie sera provisionné et déduit d’un revenu foncier positif dans le futur).
– Déclaration des revenus 2019 : même schéma. Sur les 35 000 €, les premiers 10 700 € de déficit sont déduits des salaires l’année en cours. Le solde sera déduit du foncier dans tous les cas.
Gain fiscal : 10700*2*30% + 48 600 * (30% + 17.2%) = 29 359 €.
Il peut être judicieux d’optimiser les provisions de déficit sur une année lorsque l’on souhaite optimiser la fiscalité. Dans l’exemple, le gain fiscal est 31 199 – 29 359 =1 840 € en privilégiant les dépenses sur une année au lieu de deux. Les plus forts en mathématique l’auront compris, le calcul est bien plus simple puisqu’on gagne les prélèvements sociaux sur 10 700 € pour chaque année où on évite de créer un déficit utilisé qui aurait pu être un déficit provisionné. On retrouve bien 10 700*17.2% = 1 840 €!
Attention ne vous méprenez pas, l’optimisation fiscale a une contrepartie : le gain chiffré aura lieu uniquement lorsque le déficit est utilisé. Il faut donc parfois attendre plusieurs année avant de pouvoir le faire. Certains contribuables préfèrent différer les grosses dépenses déductibles sur 2 ou 3 ans. Il y perdent alors 1 840 € par année mais ont la chance de voir un impact sur leur impôt immédiat puisqu’ils auront 10 700 € de déduction sur leur salaire dès les premières années. A l’inverse celui qui a fait le choix de faire tous les travaux immédiatement pour provisionner un maximum optimise l’impôt (il déduit tout à la TMI + prélèvements sociaux) mais devra attendre un revenu foncier positif pour faire marcher le déficit provisionné.
Où trouver le déficit reporté, comment le déclarer sur la 2044?
A l’époque de la déclaration papier, il était très difficile de remplir correctement les cases relatives au déficit foncier. Les erreurs étaient nombreuses et entraînaient redressement ou perte des avantages pour le contribuable. Aujourd’hui, tous les calculs se font automatiquement sur la déclaration en ligne et cerise sur le gâteau : le fisc reporte chaque année seul le déficit reportable afin que le contribuable ne le perde pas par « oubli ».
Attention cependant lors de votre première déclaration en ligne! Si vous aviez des déficits provisionnés, il faut les remplir sur la case 450 de la déclaration des revenus fonciers 2044. Afin de les retrouver, il vous faudra prendre les avis d’imposition des années passées et chercher à la fin la ligne ci-dessous. Ici dans notre exemple, Mr a un déficit provisionné de 16 213 € qu’il devra indiquer de lui même lors de la première déclaration en ligne pour ne pas le perdre. Si il omet d’indiquer 16 213 € dans la case 450 de la déclaration 2044, il perdra le déficit soit une perte fiscale de 16 213 * (30% + 17.2%) = 7 652 €.
Déficit foncier provisionné : les exceptions et contraintes
Avant de vous lancer dans le montage, il est primordial d’avoir en tête ces deux règles. Bon nombre d’investisseur fonce afin d’éliminer l’impôt en oubliant ces deux contraintes :
1) A partir du moment où on utilise un déficit foncier sur les autres revenus (l’année du déficit dans la limite de 10 700 €), on s’engage à continuer à louer le bien pendant trois ans! Une règle qui a son importance et oblige le contribuable à voir à long terme. Cette position du fisc a été remis en cause par le conseil d’Etat dans un arrêt du 26 avril 2017. Celui-ci précise que la cession sous trois ans entraîne l’annulation de l’imputation sur les autres revenus (le fisc annule donc le déficit sur les autres revenus entre 0 et -10 700 €) mais n’empêche pas le contribuable de provisionner le déficit pour l’imputer sur les autres revenus fonciers dans le futur (le contribuable peut créer un déficit en année 1, vendre le bien en année 2…. impossible donc d’utiliser le déficit la première année sur les autres revenus mais on peut le provisionner malgré tout). Difficile de dire si ce jugement récent va arrêter le fisc dans la totalité des contrôles à ce niveau. Je conseillerais par prudence de continuer à garder le bien 3 ans si vous voulez être certain d’avoir votre déficit.
2) Lors de la cession du bien, tous les travaux déduits que ce soit directement sur les loyers, sur les salaires via un déficit utilisé ou sur le revenus foncier via un déficit provisionné ne pourront pas rentrer dans le calcul de la plus-value. La vente du bien sera associé à un impôt sur la plus-value élevé car il sera impossible de déduire les travaux du calcul. Notre simulateur excel vous permettra d’anticiper l’impôt lors de la cession du bien en quelques clics.
Enfin, pour les plus courageux qui ont tenu jusqu’au bout, une dernière notion technique existe. Les intérêts d’emprunt déductibles ne peuvent jamais rentrer dans le déficit utilisé immédiatement de 0 € à -10 700 €. C’est une exception technique qui concerne beaucoup de contribuables et les amène à avoir du déficit reportable malgré eux.
L’année d’acquisition du bien, il est fréquent que les contribuables remboursent le prêt avant de percevoir des loyers. On a alors une première déclaration avec peu ou pas de loyers et des intérêts d’emprunts déductibles. Il faut alors faire la déclaration 2044 malgré tout et un déficit provisionné se créera car les intérêts d’emprunt déduits ne peuvent pas être utilisés immédiatement même entre 0 et -10 700 €.
Exemple :
Mr achète un bien et commence à le louer en décembre. Il rembourse le prêt depuis plusieurs mois. Il perçoit 1 000 € de loyers et a payé 4 000€ d’intérêts d’emprunt.
Son résultat foncier est de – 3 000 €. Comme le déficit provient d’intérêts d’emprunt, il ne sera pas déduit des salaires malgré le fait que l’on soit entre 0 € et -10 700 €. Mr a un déficit provisionné reportable de 3 000 €!
Une fois encore, c’est ici une bonne chose pour le contribuable qui pourra gagner impôt + prélèvements sociaux lors de l’utilisation du déficit.
Déficit foncier et impôt à la source en 2019.
La prélèvement à la source n’est qu’une avance et ne vient pas changer les règles que je viens d’évoquer. En revanche, l’année de transition 2019 sur les revenus 2018 va avoir une incidence particulière considérable car l’impôt est annulé. L’imputation du déficit parait alors inutile voir même contre productif en cas d’imputation des déficits provisionnés. J’ai consacré un article entier sur le sujet ici : faut-il déduire les charges lors de la déclaration des revenus fonciers 2044 en 2019?
Pour aller plus loin, j’ai écrit un article qui détaille le traitement spécifique du déficit créé par les travaux lors de l’année blanche : « prélèvement à la source et année blanche : faut-il faire des travaux en 2018, 2019 ou 2020?«
Vous louez un bien vide (Pinel ou non)? Afin d’optimiser vos déclarations d’impôts, prenez le temps de vous renseigner sur les déclarations d’impôts! L’important est surtout de les remplir correctement pour minorer la fiscalité! Pour vous aider, j’ai créé un guide qui vous accompagnera pas à pas et vous donnera toutes les astuces fiscales à connaître pour optimiser vos déclarations d‘impôts. Découvrez les bonnes questions à se poser : faut-il intégrer les charges dans la réduction d’impôt ou les déduire du foncier ou les conserver pour la plus-value? Comment corriger si j’ai oublié de déclarer le prêt/travaux l’année du déblocage? où trouver les cases sur la déclaration en ligne, que peut-on y déduire ect…? Comment optimiser l’impôt à la source et l’année blanche avec mon bien locatif? Des réflexes à avoir au moment de la déclaration d’impôt qui permettront plusieurs centaines d’euros d’économie.